Guide de la correspondance, 1960

Le guide de la correspondance, édition 1960

J’ai choisi de vous présenter ici une pépite sociologique. Ce petit bouquin, trouvé sous un bric-à-brac de vieilleries, de documents ayant appartenu aux gens de ma famille depuis des générations, mérite le détour.

Ce guide de la correspondance, paru en 1960, propose des modèles de lettres afin de répondre à un grand nombre de situations auxquelles nous pourrions être confrontés.

A cette époque déjà, il est précisé dans la préface que la rédaction de lettres apparait de plus en plus inutile et contraignante. Aujourd’hui pourtant, moi j’y reviendrais presque parfois ! Du sms désuet indiquant un basique « j’arrive dans cinq minutes » au post-it griffonné pour un voisin bruyant, en passant par celui aimanté sur le frigo pour éviter une discussion douloureuse, on perd parfois la sincérité de la démarche d’écrire une lettre.

En 1960, le téléphone était pourtant déjà apparu depuis plus de 70 ans, il avait déjà remplacé dans un grand nombre de cas le papier. Cependant les auteurs de ce livre avancent que :

« La correspondance est une des façons les plus charmantes de cultiver l’amitié ; elle permet l’expansion, elle permet de révéler ce que les âmes délicates hésitent souvent à dire de vive voix. Et elle se présente débarrassée des incommodités et des vulgarités de l’existence ordinaire. »

 

Exemple de correspondance proposée dans l’ouvrage

guide correspondance

J’ai voulu vous parler plus précisément d’un des modèles proposés. D’abord, il m’a fait rire, puis avec le recul, j’avoue qu’il m’a un peu choquée. On le trouve dans le chapitre Lettres intimes : c’est la lettre d’ « Un père à son fils paresseux. »

Le contexte est celui d’un père ayant placé son fils indiscipliné en internat afin qu’il y réalise ses études. Mais pour autant le jeune homme n’excelle pas dans ce domaine et hérite de très mauvaises notes au premier trimestre. Son père décide donc de lui écrire afin de la menacer. La menace étant celle de l’arrêt de l’internat pour « un labeur physique », l’apprentissage. Ambiance !

Analyse de la lettre

Déjà, vous noterez que le ton général de lettre est très dur et sévère : « Les notes que m’envoie ton proviseur sont mauvaises, très mauvaises. Elles signalent ton étourderie, ton manque d’obéissance, ton indiscipline. » On remarquera d’ailleurs que la figure d’autorité est d’office présentée comme celle du père, puisque c’est celui qui écrit cette lettre. Je ne sais pas vous, mais moi je n’aimerais pas trop être à la place du fiston !

La suite est d’ailleurs particulièrement révélatrice des représentations genrées qui étaient en marche à l’époque et continuent parfois à doucement subsister de nos jours : « Je t’ai mis en pension dans l’espoir de t’amender ; cette décision a coûté à ta mère beaucoup de larmes, elle m’impose à moi de grands sacrifices d’argent. »

On peut donc d’abord noter le « je t’ai mis en pension » qui laisse comprendre qu’une telle décision fut prise par la seule figure du père. Les problématiques d’égalité des sexes étaient bien loin des préoccupations de l’époque !  Il y a ensuite la forte distinction des préjudices à mettre son enfant en internat : pour la mère c’est celui du chagrin, quant au père c’est celui du déficit monétaire.

Enfin l’expéditeur termine sa rédaction par une énième démonstration de sévérité et de détachement affectif à l’égard de son fils : « Je ne t’embrasse pas, mon pauvre enfant ». *sympa*

Assez surprenant, n’est-ce pas ? C’est plutôt comique d’imaginer ce genre d’ouvrage transposé à notre époque d’aujourd’hui. Mais on constate quand même avec une pointe de déception qu’il existe encore une partie de ces représentations genrées, au sein de la famille ici, mais dans notre société dans sa globalité.

 

J’essayerai de vous partager d’autres modèles de lettres dans les articles à suivre.

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